Georges Pompidou

En 1998, j’avais rédigé sur un ancien site quelques notes consacrées à Georges Pompidou, président oublié de la 5e République. Ce site est tombé en désuétude et la page fut emportée sous les flots du web. Au regard de l’actualité culturelle, j’ai décidé de raviver ce projet et de partager avec vous ces quelques écrits.

L’actualité culturelle

Plan B… Pour Bonnaud. Mort d’un Président, un téléfilm de Pierre Aknine. Avril 1973, Georges Pompidou rencontre Richard Nixon, Président des Etats-Unis, en Islande pour discuter des décisions monétaires à prendre. Sur les images de cette entrevue, le Président de la République française a le visage gonflé. Aussitôt, les rumeurs sur son état de santé vont bon train …

Réaction de Marie-France Garaud à la fiction de France 3 sur le Président Pompidou

Georges Pompidou : quelques éléments biographiques

« Dans ma vie, j’ai tiré trop bas. Quand je devais faire un discours, il y avait un conseiller pour me dire: mettez cette phrase, cela fera plaisir à Untel. Ou supprimez cette phrase, elle gênerait Untel. J’ajoutais, je supprimais. Personne au fond ne m’en saurait gré, et je m’étais seulement un peu dégradé. J’ai accepté trop de compromis. Refusez. Soyez vous-mêmes. Montez, montez le ton. Visez plus haut. … plus haut » – Georges Pompidou, 27 mars 1974

Arrivé à la tête de l’état après dix ans de Gaullisme, son mandat écourté est resté dans l’ombre du géant le précéda. C’est dans cette perspective que cette série d’articles fut rédigée de toutes pièces.

Né dans le Cantal, à Monboudif le 5 juillet 1911, fils de Léon Pompidou et de Marie-Louise Chavagnac, tous deux enseignants. Il se marie le 29 octobre 1935 à Claude Cahour. Ils ont eu un fils, Alain né en 1942. Georges Pompidou suivra une formation littéraire, préparera le concours d’entrée l’École Normale Supérieure au Lycée Louis le Grand à Paris et commencera sa carrière comme professeur. Agrégé de lettres en 1934, il enseignera d’abord à Marseille puis à Paris. Sa vie politique ne débutera qu’après la guerre. Rien ne semble présager le destin du futur premier ministre et président de la République. Et pourtant…

Georges Pompidou : sa première carrière politique

Il participe aux lendemains de la libération au cabinet du général de Gaulle. En 1946 il occupe les fonctions de maître des requêtes au Conseil d’État, puis celles du directeur du Commissariat au Tourisme de 1946-1949. De 1954 à 1958 il travaille au groupe Rothschild. Lors du retour du général de Gaulle en 1958, il devient son directeur de cabinet.

Le 16 avril 1962, il sera choisi par de Gaulle comme premier ministre. Ce premier gouvernement sera de courte durée car il doit démissionner le 5 octobre suite à une motion de censure votée à la majorité absolue par l’Assemblée nationale. Les députés du Palais-Bourbon voulaient s’opposer au projet de révision constitutionnelle permettant de faire élire la présidence au suffrage universel. Le référendum sera néanmoins approuvé par les électeurs avec une réponse positive de l’ordre de 61,7 %. Georges Pompidou sera renommé Premier ministre.

1962

  • 15-16 avril – Georges Pompidou est nommé premier ministre.
  • 15 mai – démission de MM. Pfimlin, Bacon, Schumann, Buron et Fontanet.
  • 16 mai – remaniement du cabinet Pompidou.
  • 5 octobre – une motion de censure renverse le gouvernement.
  • 6 décembre – deuxième cabinet Pompidou.

1963

  • 15-17 juillet – voyage du Premier ministre en Turquie.

1965

  • 30 avril – Georges Pompidou reçoit Andreï Gromyko.
  • 29 novembre – réception d’Edward Heath, Premier ministre de Grande-Bretagne.

1966

  • 8 janvier – troisième cabinet Pompidou.
  • 6-8 juillet – voyage officiel du Premier ministre à Londres.

1967

  • 7 avril – quatrième cabinet Pompidou.
  • 3-8 juillet – voyage officiel du Premier ministre en URSS.
  • 26 août – réception de J. Lynch, Premier ministre d’Irlande.
  • 13-16 septembre – voyage officiel du Premier ministre en Autriche.

1968

  • 26-28 mars – Georges Pompidou reçoit J. Fock, chef du gouvernement communiste d’Hongrie.
  • 30 mai – dissolution de l’Assemblée nationale.
  • 31 mai – cinquième cabinet Pompidou
  • 13 juillet – démission de Georges Pompidou, Maurice Couve de Murville est nommé Premier ministre.

Le mois de mai…

1968, les troubles de mai plongent la France dans la tourmente. L’Assemblée Nationale est dissoute le 30 du mois. Georges Pompidou démissionne le 13 juillet suivant, son successeur sera Couve de Murville. Vers la fin de 1968, une tentative d’assassinat politique est orchestrée contre Georges Pompidou: c’est l’affaire Markovic.

Georges Pompidou : L’affaire Markovic – fin 1968

L’affaire Markovic: une sordide affaire politique greffée sur un fait-divers banal. Dans le village d’Élancourt (Yvelines), le corps décomposé de Stephan Markovic est trouvé dans une décharge. Cet ancien garde du corps d’Alain Delon, d’origine yougoslave, vivait dans un des appartements de la star du cinéma. La correspondance privée de Markovic semble impliquer Delon et un truand corse François Marcantoni.

Le juge Patard qui mène l’instruction interroge au départ Delon, et Marcantoni. Puis un évènement fait tout basculer: une lettre anonyme dans le Figaro implique de hauts fonctionnaires et d’anciens membres du gouvernement dans des soirées douteuses organisées par Marcantoni. Puis on apprend qu’un certain Yougoslave nommé Akov, a des révélations à faire. On est désormais loin du simple fait divers, et l’affaire devient politique. Le tout Paris ne parle que de l’Affaire Markovic et les rumeurs s’amplifient, on parle même de photos. La rumeur finira par atteindre les oreilles de Georges Pompidou lui-même. Il en sera profondément meurtri et avouera plus tard qu’il était proche du désespoir.

Cette affaire ne sera jamais totalement élucidée, mais il est certain que des hommes politiques et membres du gouvernement ont profité de l’affaire criminelle pour y greffer une affaire politique afin d’assassiner la personnalité publique des Pompidou. Les fausses déclarations, des témoignages de mythomanes, des photos truquées ont été les outils d’une campagne de salissage. Georges Pompidou sera tout particulièrement touché au plus profond de lui-même par le fait qu’on ait voulu l’attaquer indirectement en impliquant sa femme pour qui il avait énormément d’affection.

Pompidou, lors d’un entretien avec de Gaulle, lui exposera très clairement sa déception face à la réaction des hommes politiques au pouvoir. « Mon Général, vous savez pourquoi j’ai demandé à vous voir. J’ai trois choses à vous dire: Je connais assez ma femme pour savoir qu’il est impensable qu’elle se trouve mêlée si peu que ce soit à cette affaire. On cherchera peut-être à « me mettre dans le coup ». Nulle part on me trouvera. Je n’en dirai pas autant de tous vos ministres. Ni place Vendôme, chez M. Capitant, ni à Matignon, chez M. Couve de Murville, ni à l’Elysée, il n’y a eu la moindre réaction d’homme d’honneur. » Pompidou affirmera par la suite que de Gaulle ne semblait pas satisfait de lui-même en le quittant. L’affaire aura eu une conséquence durable: une rupture personnelle entre Pompidou et de Gaulle.

En 1969, quand Georges Pompidou accède à la présidence, il demande le départ de Jean-Charles Marchiani du SDECE: il le tient comme responsable de la création et de la diffusion de photos truquées. Vingt ans après la mort de Pompidou, Charles Pasqua nommera Marchiani préfet …

Georges Pompidou : En réserve de la République

En voyage à Rome, en janvier 1969, Georges Pompidou laisse savoir à la presse qu’il sera candidat à la succession du général de Gaulle. Ces déclarations sont mal vues par le général qui déclare à son tour qu’il a l’intention de remplir son mandat jusqu’à son terme. Pompidou récidive lors d’un voyage en Suisse. Le général est contraint à démissionner le 28 avril suite à l’échec de son projet de réforme du Sénat et de régionalisation.

Le premier tour de l’élection présidentielle du 31 mai voit Pompidou en tête avec 44,46 % des suffrages contre 23,3 % pour Poher, et 21,27 pour Duclos. Georges Pompidou est élu Président de la République avec 58,22 % des votes au deuxième tour du 15 juin 1969.

La présidence

Résumé et chronologique des évènements de son mandat présidentiel.

1969

  • Élection le 15 juin à la présidence de la République avec 57,5 % des suffrages contre 42,5 % à Alain Poher.
  • 11-13 juillet – la SFIO prend le nom de Parti Socialiste.
  • 8 août – dévaluation du Franc.
  • 15 août – Georges Pompidou préside les cérémonies officielles du centenaire de la naissance de Napoléon Bonaparte à Ajaccio.
  • 16 septembre – Jacques Chaban Delmas, premier ministre, présente son projet pour une « nouvelle société » devant l’Assemblée nationale.
  • 28 octobre – exclusion de Louis Vallon, député de l’UDR suite à la publication du pamphlet « l’Anti de Gaulle ».
  • 24 décembre – affaire des « vedettes de Cherbourg ».

1970

  • 19 janvier – incidents à l’université de Nanterre.
  • 30 janvier – visite de Willy Brandt.
  • 2 février – visite privée d’Hassan II, roi du Maroc.
  • 4-8 février – exclusion de Roger Garaudy du bureau politique et du comité central du PCF.
  • 2-21 février – grèves surprises à la S.N.C.F.
  • 20 février – Ouverture du 1er tronçon du RER.
  • 23 février – 3 mars voyage officiel aux États-Unis. Rencontre avec Richard Nixon. Manifestations de la communauté juive américaine contre la politique française au Moyen-Orient.
  • 2-3 mars – violents incidents à Nanterre: plus de cents blessés.
  • 8-15 mars – élections cantonales, victoire de la majorité U.D.R. et R.I.
  • 19-24 mars – manifestation de camionneurs et des commerçants.
  • juin – visite officielle d’Andrei Gromyko, ministre de affaires étrangères d’URSS.
  • juin – relance de la politique de régionalisation.
  • 4 juin – loi anticasseurs.
  • 19-20 juin – François Mitterrand demande l’union de la gauche.
  • 1 septembre – décès de François Mauriac.
  • 6 – 13 octobre voyage officiel en U.R.S.S.
  • 10 octobre – décès d’Édouard Daladier.
  • 23 octobre voyage officiel de Josef Broz Tito en France
  • 9 novembre, décès du général de Gaulle.
  • 12 novembre, deuil national.
  • 12 décembre – lancement du satellite français Peole (fusée Diamant).

1971

  • 25-26 janvier – visite de Willy Brandt, Chancelier allemand.
  • janvier – création d’un ministère de l’environnement.
  • 3-12 février – voyage officiel en Afrique francophone: Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun et Gabon.
  • 25 février – Pierre Messmer entre au gouvernement comme ministre des DOM-TOM
  • 14-21 mars – élections municipales.
  • 19 avril – visite de M Bourassa, premier ministre du Québec.
  • 24-26 mai – visite en Belgique.
  • 5 juin – troubles dans le quartier Latin.
  • 11-13 juin – élection de François Mitterrand au poste de Premier secrétaire du Parti socialiste.
  • 18-25 août – institution du double marché des changes.
  • 26 septembre – élections sénatoriales.
  • octobre – visite privée de l’Empereur du Japon
  • 17 octobre – Jean-Jacques Servan-Schreiber est président du parti radical.
  • 25-30 octobre visite officielle de Leonid Brejnev.
  • 13-14 décembre – rencontre avec Richard Nixon aux Açores.

1972

  • janvier – février – révoltes des prisons.
  • 19 janvier – le canard enchaîné publie la feuille d’impôt de Jacques Chaban-Delmas.
  • 24-28 janvier – deuxième visite officielle en Afrique: Niger, Tchad.
  • 10-11 janvier – importante rencontre avec Willy Brandt sur l’union monétaire et économique.
  • 22 janvier – admission du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark dans la CEE.
  • 23 janvier – référendum sur l’élargissement de l’Europe. Résultats positifs mais la participation est très faible: oui 67,7 %, non 32,30 %.
  • 15 mai – remaniement gouvernemental suite au départ de M. Dechartre, secrétaire d’État auprès du ministre du travail.
  • 15-19 mai visite officielle de la Reine Elisabeth II.
  • 5 juillet démission de Jacques Chaban-Delmas, Gouvernement de Pierre Messmer.
  • 8 octobre – interdiction de l’ETA (Euskadi eTa Askatasuna)
  • 19-20 octobre – sommet européen de Paris.
  • 20-24 octobre – visite officielle en Afrique: Haute-Volta, Togo.
  • 13-17 décembre – Congrès du PCF.

1973

  • 12-13 janvier entretiens Brejnev – Pompidou à Minsk
  • Voyage officiel aux territoires des Afars et Issas.
  • 11 février – deuxième tour des élections législatives. La majorité est reconduite.
  • 28 février – démission du gouvernement. Georges Pompidou maintient Pierre Messmer au poste de premier ministre. Départ de MM Faure et Debré. Georges Pompidou demande à Valéry Giscard d’Estaing de quitter la présidence des républicains indépendants.
  • 5 avril – deuxième cabinet Messmer
  • avril – manifestations de lycéens contre la loi Debré.
  • 2 avril – Edgar Faure accède au perchoir de l’Assemblée nationale.
  • 30 mai et 1 juin – sommet Pompidou-Nixon à Reykjavik.
  • 26-27 juin – sommet Pompidou-Brejnev à Rambouillet.
  • 28 juin – dissolution d’Ordre nouveau et la Ligue communiste par le gouvernement.
  • 13-17 septembre – visite officielle en Chine.
  • 20-23 septembre – élections cantonales.
  • 22-25 octobre – visite de Juan Carlos, roi d’Espagne.
  • 4 décembre – l’affaire des micros au Canard Enchaîné.

1974

  • 26 janvier – défaite de la motion de censure déposée par la gauche.
  • 30 janvier – dissolution des organisations autonomistes basque (ENBATA) et bretonne (FLB) par le gouvernement.
  • 4 février – projet de décentralisation de l’ORTF.
  • 7-11 février – interruption des activités de Georges Pompidou pour des raisons de santé.
  • 27 février – démission de Pierre Messmer.
  • 2 mars – troisième gouvernement Messmer.
  • 8 mars – inauguration de l’aéroport Charles de Gaulle par le premier ministre Pierre Messmer.
  • 11-13 mars – entretiens à Pitsounds avec Leonid Brejnev.
  • 27 mars – dernier conseil des ministres auquel préside Georges Pompidou.
  • 27 mai troisième cabinet Messmer
  • 2 avril – meurt à 21 heures

Quelques écrits

  • Le Noeud Gordien
  • Pour rétablir une vérité
  • Entretiens et Discours, 1968-1974
  • Anthologie de la poésie française

Quelques Citations

  • « En 1965, avec l’élection présidentielle, vous avez touché, M. Mitterrand, le plus beau tiercé de votre vie : les communistes ne voulaient pas qu’on les compte, Guy Mollet avait « scié »Gaston Defferre, et les radicaux, comme toujours, se grattaient la tête et ne faisaient rien. (…) Vous avez ainsi symbolisé toute votre carrière politique, qui est allée de l’extrême droite à l’extrême gauche. Enfin vous avez eu une chance plus grande encore : vous n’avez pas été élu. C’est une chance, je le dis en toute courtoisie, pour la France ! »(1967.)
  • « […] aux yeux de l’histoire, le premier successeur du général de Gaulle passera pour un minable » – 1968
  • « Le gouvernement ne peut dépendre pour sa vie et pour son autorité que du peuple » – 22 mai 1968
  • « Je ne suis pas le général de Gaulle … » – En campagne en 1969.
  • « Le chef de l’Etat, investi directement de la confiance de la nation, doit être le chef incontesté de l’exécutif. C’est lui qui avec son gouvernement doit définir la politique et la conduire. Le premier ministre, comme l’indique son nom, n’est que le premier ministre » – Le Noeud gordien (1969).
  • « Désigné par le peuple français pour exercer la charge du président de la République … j’évoquerai d’abord la personne du général de Gaulle.. Durant ces dix années, le général de Gaulle a représenté ici la France avec un éclat et une autorité sans précédent. Mon devoir m’est tracé par son exemple, comme il m’est dicté par la confiance que m’a manifestée le pays. » – 20 juin 1969, première allocution du Président Pompidou.
  • « La France est veuve » – La mort du général de Gaulle en 1970
  • « Dans ma vie, j’ai tiré trop bas. Quand je devais faire un discours, il y avait un conseiller pour me dire: mettez cette phrase, cela fera plaisir à Untel. Ou supprimez cette phrase, elle gênerait Untel. J’ajoutais, je supprimais. Personne au fond ne m’en saurai gré, et je m’étais seulement un peu dégradé. J’ai accepté trop de compromis. Refusez. Soyez vous-mêmes. Montez, montez le ton. Visez plus haut. … plus haut. » – 27 mars 1974. Propos recueillis par Jean-François Deniau (dans Pompidou, Muron).
  • La fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme.

Bibliographie

  • Aubray, Gerard, Georges Pompidou, un portrait, Paris Fayard 1969
  • Bromberger, Merry, Le Destin secret de Georges Pompidou, Fayard, 1965.
  • Corcelette, Jean-Pierre, Georges Pompidou : le désir et le destin , Editions Balland, 1994
  • Diallo, Thierno, La politique etrangere de Georges Pompidou Libr. generale de droit et de jurisprudence, 1992
  • Muron, Louis, Pompidou, Flammarion, 1994.
  • Rials, Stéphane, Les Idées politiques du président Georges Pompidou, Presses universitaires des France, 1977.
  • Roussel, Éric, Georges Pompidou, Jean-Claude Lattès, 1994.
  • Vallon, Louis, L’Anti-de Gaulle, Éditions du Seuil, 1969.

1 Comment

  1. Jean-Jacques Urvoas : « Le 1er octobre 1968, le corps de Stefan Markovic était découvert dans une décharge publique. C’était l’ancien garde du corps d’Alain Delon et avait eu une brève liaison avec Nathalie Delon qui était alors la femme de l’acteur. »

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