De la liberté du port du sac à patates

Régulièrement en France, une polémique occupe la totalité du champ médiatique et politique, occultant une myriade de sujets autres pourtant plus important mais moins savoureux.

Pour mémoire voici quelques-unes des bastonnades médiatiques et politiques récentes : le mariage pour tous, le droit à l’adoption par les couples de même sexe, l’affaire du bijoutier de Nice, les conditions pénales des accusés de terrorisme, la déchéance de la nationalité, les binationaux, l’afflux de migrants musulmans qui aux yeux de certains devaient passer après les SDF jusqu’alors méprisés et ignorés …

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Les mêmes acteurs prennent leurs positions à chaque affaire, à chaque polémique et nous assistons à un véritable cours pratique des pires pratiques de rhétorique et des raccourcis logiques les plus élémentaires.

Trois millénaires de philosophie n’auront rien fait, les mêmes abus font florès : attaque à la personne, faux équivalents, homme de paille, argument d’autorité. L’avènement de plateformes comme Twitter on permis à certains, désespérés d’exister politiquement, de pratiquer sans ambages ces raccourcis et d’abuser de ces procédés fallacieux. Bien entendu on reprochera aussi à certains intervenants leur lieu de résidence à l’étranger, leur naïveté, leur aveuglement quand ce n’est pas réduire leur prise de position au terrorisme intellectuel, le coup de massue rhétorique par excellence.

Nous voici donc à la polémique de l’instant, propulsée à l’avant-scène par des décisions d’élus locaux, prompts à vouloir faire fi des libertés fondamentales pour marquer des points politiques auprès d’un certain électorat. C’est ainsi qu’est né l’affaire du burkini, un vêtement hideux qui s’apparente plus à la combinaison de plongée qu’au maillot de bain, censé couvrir la quasi-totalité du corps de la femme. Inventé par une australienne, ce vêtement fait polémique car il est devenu l’expression pratique d’un fondamentalisme religieux particulier, celui d’une interprétation de l’Islam.

Ce vêtement « sac à patates avec ourlets » est à l’origine d’une véritable hystérie médiatique et politique. Porté par une minorité infime de femmes, il est devenu un symbole de peur et de rejet dans une France traumatisée par le terrorisme islamiste des deux dernières années. L’interdire, pour certains élus locaux, c’est lutter à leur façon contre le terrorisme et l’idéologie fondamentaliste qui cautionnerait ces actes sanguinaires. Encore une fois, les démagogues s’attaquent aux conséquences et aux apparences plutôt qu’aux causes et exploitent les raccourcis populaires. C’est bien connu, les terroristes qui ont sévi en France portaient tous la djellaba et teintaient leurs longues barbes d’une couleur ocre …

Prompts à vouloir exploiter la peur d’un électorat effrayé, ces élus locaux et leurs pendants nationaux, se posent en fossoyeurs des libertés fondamentales. Voilà que le vêtement devient délit. De nombreux idiots utiles vous expliqueront par le biais de procédés byzantins que ce vêtement doit être interdit au nom de la lutte contre le fondamentalisme et donc du terrorisme avec juste un doigt de féminisme pour l’occasion.

Ceux-là même qui ne se sont jamais offusqués de voir des religieuses chrétiennes à la plage vous répèteront sans hésiter cette antienne sarkozyste : « les racines de la France sont chrétiennes ». Oubliant d’un trait que la France, celle des lois, des principes, des libertés fondamentales et bien davantage un pays aux racines greco-latines et d’inspiration des lumières de la renaissance.

D’autres vous reprocheront de ne pas défendre le droit réciproque du port de vêtements très légers dans des théocraties du golfe, comme si nous devions légiférer par symétrie avec des pays où il n’existe que très peu de libertés et pratiquement aucune lumière intellectuelle. Faux parallèle sans intérêt : ce qui se passe ailleurs, se passe ailleurs !

Cette liberté doit s’exercer jusque dans les pires choix vestimentaires ! Défendre le droit de porter le burkini, ce n’est pas approuver ce vêtement affreux. Tout comme défendre la liberté d’expression ne signifie pas approuver la dernière caricature de Charlie Hebdo. Il faut savoir faire la différence entre défendre les libertés et approuver leur application.

En conséquence, je défendrai âprement le droit de porter cet odieux vêtement tout en me préservant le droit de le moquer, le railler et le ridiculiser. C’est ça la liberté en démocratie.

  • Marc A. Cormier

 

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1 Comment

  1. Avec l’âge j’ai appris que réfléchir en me référant aux X, Y , ou encore pire en écoutant les PAUL et Mik, n’ouvrait que sur un point de vue au mieux sectoriel, au pire sectaire,
    En disciple de Montesquieu ( lettres persanes) ou Voltaire (Candide), je préconise de mieux comprendre « comment peut-on être persan » tout en « cultivant notre jardin ».
    Le phénomène burkini, renvoie à une cascade d’idées; vouloir faire un arrêt sur image sur l’une ou l’autre, c’est ignorer la dynamique du flux. Les opposants s’affrontent au nom du même principe de liberté. Ce terme inscrit au fronton de la République, est peut-être la plus grande de escroquerie intellectuelle de notre civilisation, puisque chacun peut librement faire le choix d’être manipulé.

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