Enfant de la guerre froide, je ne pouvais imaginer qu’un tel événement puisse se produire. Nos enseignants au Lycée étaient catégoriques : le système soviétique était conçu de telle manière qu’il ne pouvait être déstabilisé de l’intérieur, le système allait se perpétuer politiquement jusqu’à la nuit des temps.
C’était sans compter sur l’effet boule de neige de la tragédie de Tchernobyl conjuguée à la vision politique de Mikhaïl Gorbatchev, sa Perestroïka et la désastreuse performance économique du bloc. Comme beaucoup de compatriotes, j’ai vécu la désintégration de la sphère soviétique en direct, en commençant par les états baltes, les rébellions du Caucase, les manifestations en Ukraine. En Europe centrale, les mouvements communistes tombaient les uns après les autres en commençant par la Pologne et la Hongrie.
À Berlin Est, capitale de la République démocratique d’Allemagne, les manifestations monstres aboutirent à la démission d’Erich Honecker et l’arrivée d’Egon Krenz, dernier joker d’un système à bout de souffle. Puis, par le biais d’un cafouillage kafkaïen, un apparatchik du système, un certain Schabowski, annonça la libéralisation des contrôles entre la RDA et Berlin Ouest sans en préciser la date d’application. Interrogé, il répliqua que c’était avec effet immédiat. En quelques heures les points de contrôle furent assaillis et dans la nuit du 9 novembre, le mur fut démantelé et détruit par les citoyens de Berlin.
Vingt-quatre ans plus tard, j’ai pu traverser ce mur à de multiples reprises, parfois même sans m’en rendre compte. En 2017, j’ai eu la plaisir de rester chez un couple fort sympathique près de la Strausberger Platz ; mon hôte me raconta sa version de la chute du mur et la consultation après-coup de son dossier au QG de la Stasi, un récit qui me donne encore la chair de poule. Pendant ce séjour, j’ai pu librement errer le long de la Karl Marx Allee et autour de l’Alexanderplatz. Bien entendu je me suis promené dans le quartier de Mitte, j’ai pu monter dans la Berliner Fernsehturm puis visiter Check Point Charlie et la porte de Brandebourg sans être inquiété par des gardes-frontières.
Il y a trente ans, j’étais convaincu que je ne pourrai jamais visiter les pays se trouvant derrière le rideau de fer, pis qu’une guerre nucléaire entre les deux superpuissances allait anéantir notre civilisation à tout jamais. La chute du mur restera pour moi un tournant irréversible de la fin d’un système, et l’émergence du chaos multipolaire dans lequel nous sommes encore plongés.
« General Secretary Gorbachev, if you seek peace, if you seek prosperity for the Soviet Union and Eastern Europe, if you seek liberalization, come here to this gate. Mr. Gorbachev, open this gate. Mr. Gorbachev…Mr. Gorbachev, tear down this wall » – Ronald Reagan, 12 juin, 1987.
– Marc Albert Cormier
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