Quand l’armée française défilait au Canada

Photo des Dlables Bleus à Ottawa : Bytown Museum | Musée Bytown
Photo des Dlables Bleus à Ottawa : Bytown Museum | Musée Bytown - Numéro d'identification: P2503

L’arrivée des Diables Bleus en Amérique.

Nous sommes en mai 1918. En Europe, la guerre bat son plein depuis plus de quatre ans. Aux États-Unis en revanche, le pays est en guerre depuis un peu plus d’une année et le gouvernement souhaite renforcer l’opinion publique avec la visite d’une délégation de 91 chasseurs alpins, les fameux « Diables Bleus », accompagnés de trois officiers sélectionnés au mérite.

Arrivés à New York sur le Rochambeau, ces hommes ont défilé peu de temps après sur l’avenue Broadway à New York, accompagnés de quelques « sammies » rapatriés et d’un bataillon de fantassins américains. Les Diables Bleus furent officiellement accueillis par le maire John Francis Hylan, avant de se rendre à Carnegie Hall dans le cadre d’une levée de fonds : le troisième Emprunt de la Liberté.

Revue des troupes par le maire de New York, Hylan, et le général Henri Claudon
Revue des troupes par le maire de New York, Hylan, et le général Henri Claudon – Photo Inter. Film Service, National Archives, 165-WW-129D-45.

Suite à cette rencontre historique, ils firent route pour le prestigieux Harvard-Club où ils furent reçus par le colonel Teddy Roosevelt : l’ancien président américain salua chaque soldat français avec un « God bless you, my boy! ».

Le périple américain se poursuivit avec une visite à la Maison Blanche pour rencontrer le président Woodrow Wilson. Après Washington, ils se rendirent à Boston, Chicago et de nombreux camps militaires américains.

Angus Claude Macdonell
Angus Claude Macdonell

La nouvelle arrive à Ottawa

Apprenant la nouvelle de leur passage aux États-Unis, un sénateur canadien, Angus Claude Macdonell se rendit à Washington, au nom du gouvernement fédéral, afin d’intervenir auprès de l’ambassadeur de France, Jean Jules Jusserand pour que ces célèbres chasseurs puissent visiter le Canada voisin.

Pourquoi ce sénateur fut-il si motivé par ce projet ? Outre l’opération de séduction auprès de l’opinion canadienne, il faut savoir qu’au-delà de ses racines manifestement écossaises, le sénateur Angus Claude Macdonell avait une mère bien française : Pauline Rosalie De La Haye, décédée en 1917. Ce projet de visite au Canada par les Diables Bleus, fut-il un hommage posthume à sa mère ? Nul ne le saura, mais d’aucuns peut sincèrement en douter.

Le pari est gagné : la demande de l’ambassadeur Jusserand, soutenue par le secrétaire d’État américain, fut immédiatement approuvée par le gouvernement de Georges Clemenceau. Il ne resta plus qu’à organiser l’itinéraire canadien.

Les Français à l’honneur au Canada.

Les fantassins français firent route pour Québec en passant par Sherbrooke et Thetford Mines. Ils arrivèrent à Montréal le 24 juin, avant de rejoindre Ottawa le 27 et Toronto le 29 du mois.

À la gare d’Ottawa, ils furent accueillis par les officiels de la ville et la chorale de la société St Jean Baptiste, s’ensuivit une réception formelle au Château Laurier. Le lendemain, les hommes furent passés en revue par le gouverneur général sur la colline parlementaire. Vendredi, ils furent applaudis et célébrés par les citoyens d’Ottawa lors de leur défilé

Photo des Dlables Bleus à Ottawa : Bytown Museum | Musée Bytown
Photo des Dlables Bleus à Ottawa : Bytown Museum | Musée Bytown

Les diables bleus se rendirent à Toronto du 29 juin au 1er juillet. Arrivés à Union Station le samedi matin, ils furent acclamés par des milliers de Torontois et une délégation d’officiels au son de la Marseillaise. Deux anciens combattants canadiens ayant survécu à la bataille de Vimy les attendaient aussi : Marcel Le Beleguie (?) et un certain M. A. Baud.

Lors du passage des Diables Bleus au conseil municipal, ils furent salués par le maire Thomas Langton Church avant d’être conduits à l’hôtel King Edward où ils chantèrent la chanson Les Poilus à plusieurs reprises pour leurs convives.

Ce sont quelque 10 000 Torontois qui se rendirent dans l’après-midi pour les voir défiler à Queen’s Park. Sachant que des milliers de soldats canadiens étaient alors au front en France, la présence des chasseurs alpins français fut l’occasion de célébrer l’amitié franco-canadienne en temps de guerre.

Le long retour

C’est depuis Bridgeburg, près de Fort Erie, que les Diables Bleus saluèrent définitivement leurs hôtes canadiens par le biais d’un télégramme d’adieu du lieutenant Albert Lemoal destiné au sénateur Claude Macdonell. Une fois la rivière traversée, ils se rendirent de Buffalo à New York pour regagner la France, paradant une dernière fois dans les rues de New York pour la fête de l’indépendance américaine.

Officiers français : lieutenants Edouard, Podevin, Canal, Cluseau et La Vie
Officiers français : lieutenants Edouard, Podevin, Canal, Cluseau et La Vie – Photo Inter. Film Service, National Archives, 165-WW-129D-28.

Cette visite laissa quand même des traces dans l’imaginaire collectif. Inspirées par le courage de ces hommes, de nombreuses équipes sportives ont traduit le surnom de ces chasseurs alpins : les Duke Blue Devils (Caroline du Nord), Lebanon Blue Devils (Tennessee), Blue Devil Football (Arkansas), DC Blue Devils (New Hampshire), Blue Devils Football (Ohio) …

NB : précisions que des Français de Toronto ont en leur possession des échanges épistolaires entre des Torontois d’origine française et certains Diables Bleus, ces documents feront l’objet d’un autre article.

Pour en savoir plus :

Sources :

  • Photo mise en avant à Ottawa : Bytown Museum | Musée Bytown
  • Photos – L’Illustration, 25 mai 1918
  • Journaux
    • The Globe, 15 juin 1918 – Programs Prepared to Welcome « BIue Devils »
    • The Globe, 1er juillet 1918 – NOTED FRENCH ALPINE TROOPS CAPTURE ONTARIO’S CAPITAL
    • The Globe, 4 juillet 1918 – HOW CHASSEURS CAME TO CANADA: SENATOR CLAUDE MACDONELL
    • The Globe, 28 juin – CANADIAN CAPITAL CHEERS CHASSEURS: GREAT RECEPTION TO FRENCH SOLDIERS
    • The Globe, 12 juin – « BLUE DEVILS » TO VISIT CITY: FAMOUS FRENCH FIGHTERS TO COME HERE THIS MONTH

3 Comments

  1. Bonjour Monsieur Cormier,
    Je suis un descendant de l’un de ces diables bleus et je voulais vous remercier pour cet article. Avec plusieurs membres de ma famille, nous cherchons à retracer le périple de mon arrière-grand-père, auriez-vous d’autres sources à ce sujet, je vous prie?
    Cordialement.
    Romain L

    • BONJOUR,je suis également une descendante et je détiens une trentaines de photos que je partage sur le site Généanet dans mon arbre généalogique.Peut être trouverez vous votre bonheur.cordialement. Ch.GUITTEAU DENION

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